Seul le prononcé fait foi
Madame la Chancelière fédérale,
Mesdames et Messieurs,
Il était très important pour moi, quelques semaines après ma nomination
comme Premier ministre, de pouvoir effectuer mon tout premier
déplacement bilatéral européen en Allemagne et je tiens à remercier
chaleureusement la Chancelière fédérale pour son invitation aujourd’hui.
L’axe franco-allemand n’est pas seulement le fruit de l’histoire,
particulièrement important en ces temps troublés où les discours
nationalistes, de peur et de repli sur soi se font plus bruyants, en
Europe et dans le monde. Il est aussi une réalité tangible et
quotidienne, dont j’ai mesuré toute la force et la portée ces dernières
années dans mes fonctions passées de ministre délégué des Affaires
européennes puis de ministre l’intérieur, tout comme le Président de la
République tient à entretenir le dialogue extrêmement étroit, confiant
et constructif qu’il a tissé avec vous, Mme la Chancelière, depuis près
de cinq ans. Je souhaitais, en me rendant ici aujourd’hui, un peu plus
d’un an après ma participation, à votre invitation, à un conseil des
ministres allemand, réaffirmer avec force mon engagement personnel,
celui de l’ensemble de mon Gouvernement et celui de la France, à
maintenir ce dialogue et cette confiance jusqu’au dernier jour de notre
action.
Cette solidarité entre Paris et Berlin, elle est plus que jamais
nécessaire, alors que certains agitent le spectre d’une désunion de
l’Europe, que la donne internationale évolue et que nous faisons face à
des défis globaux majeurs : sécuritaires, migratoires, environnementaux
et politiques.
Notre responsabilité commune, c’est surtout d’apporter des réponses très
concrètes à ceux qui doutent de la valeur ajoutée de l’Europe, et de
fournir des preuves tangibles de ce qu’ensemble, nous sommes plus forts
pour répondre aux préoccupations et aux aspirations des citoyens
européens.
C’est dans cet esprit que, dans quelques minutes, j’aborderai avec la
Chancelière plusieurs des dossiers prioritaires auxquels nous devons
continuer d’apporter des réponses communes.
Notre priorité, c’est d’abord d’assurer la sécurité des citoyens
européens face à la menace terroriste. Nos deux pays ont connu, ces
dernières années, le traumatisme d’attaques d’une violence inouïe. Je
veux redire, au nom de tous les Français, notre soutien et notre amitié
aux familles et aux victimes du terrible attentat qui a frappé Berlin le
19 décembre. Et je veux à nouveau remercier très chaleureusement les
autorités et le peuple allemands pour les marques d’amitié et de
solidarité qui ont accompagné la France pendant les tragiques événements
que nous avons connus au cours des deux dernières années.
Vous savez, Mme la Chancelière, l’engagement inlassable qui a été le
mien, en tant que ministre de l’intérieur, avec Thomas de Maizière, pour
que l’UE se mobilise sur ce sujet. Beaucoup a été fait, mais face à la
persistance de la menace terroriste, nous devons faire plus, et plus
vite.
Cette impulsion commune, nous devons continuer à la donner pour faire
progresser l’agenda de sécurité européen. D’abord, pour faire aboutir au
plus vite les chantiers en cours, que nous avons, pour la plupart,
lancés ensemble, sur l’interopérabilité et l’interconnexion des systèmes
d’information européens, sur le renforcement de nos frontières
extérieures. Ensuite pour dessiner de nouvelles orientations pour les
mois à venir : pour que l’UE se saisisse pleinement du sujet de la
cyber-sécurité et du chiffrement, pour que le code frontières Schengen
soit encore renforcé en vue de faciliter les contrôles au sein du
territoire de l’UE, ou encore pour lutter plus efficacement contre la
radicalisation. Tous ces éléments pourraient utilement faire l’objet
d’une feuille de route. Nos ministres de l’intérieur y travaillent
actuellement.
La sécurité de l’Europe, elle ne se joue pas qu’en Europe. Il nous faut
construire notre pleine autonomie stratégique. Chacun doit prendre sa
part de l’effort : les Européens doivent se prendre en main dans ce
domaine et davantage coopérer entre eux.
Notre devoir commun, c’est également d’assurer la stabilité et l’essor
de l’économie européenne et de la zone euro, pour favoriser la
croissance et l’emploi. Le dialogue franc entre la France et l’Allemagne
a fait beaucoup, ces dernières années, pour faire bouger les lignes en
Europe sur le sujet. Nous avons soutenu, ensemble, aux côtés du
président Juncker, la création d’un plan d’investissement de 300Mds€ et
nous soutenons désormais son doublement. Nous portons ensemble un
discours responsable sur l’application des règles communes que nous nous
sommes fixées. La France a plaidé pour une application plus rationnelle
et intelligente de ces règles.
Mais elle a aussi fait les efforts nécessaires pour les appliquer, et
cela est tangible : notre déficit est repassé sous les 3%, notre dette
est stabilisée. C’est indispensable pour le pays dont les comptes
publics devaient être redressés. Et c’est aussi un gage de crédibilité
vis-à-vis de nos partenaires.
Protéger le projet européen, c’est aussi continuer à porter haut les
valeurs qui sont les siennes. Je pense notamment à l’Etat de droit,
auquel je connais votre attachement Mme la Chancelière, et sur le
respect duquel l’Europe doit rester intraitable, chez elle, comme
vis-à-vis de ses partenaires.
Je pense aussi aux valeurs humanistes qui doivent conduire l’Europe à
faire face à des flux migratoires exceptionnels en accueillant dignement
tous ceux qui doivent l’être. Mme la Chancelière, la France est
pleinement à vos côtés pour porter ce message que vous avez eu le
courage d’affirmer avec force. Nous l’avons nous aussi porté, en France,
en protégeant et en assurant l’accueil digne de dizaines de milliers de
migrants qui avaient afflué dans des campements de fortune.
Ce défi humanitaire ne pourra être résolu sans un grand esprit de
responsabilité et un sens aigu des réalités. Sur ces sujets aussi, l’axe
franco-allemand est une réalité. Il se matérialise, notamment, dans le
fait que nos deux pays parlent désormais d’une seule voix et portent une
position commune sur la réforme du régime d’asile en Europe.
Sur les grands sujets régionaux et internationaux, Berlin et Paris
parlent également d’une seule voix. Qu’il s’agisse de la lutte contre le
terrorisme au niveau international, de la situation en Syrie, du
dialogue avec les Etats-Unis, la Russie, l’Iran ou encore de la
situation en Ukraine, de la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le
climat ou du rôle de l’OTAN, nos deux pays partagent les mêmes
préoccupations et les mêmes priorités.
Enfin, nos valeurs communes, elles vivent aussi par l’art, la culture,
la langue. J’aurai l’occasion, ce soir, de célébrer notre vision
partagée du rôle central de la culture dans l’ouverture de nos sociétés,
et de saluer la richesse de notre coopération en la matière. Le
festival de cinéma de la Berlinale est l’occasion de le constater, en
présentant plusieurs films coproduits par la France et l’Allemagne dont
deux qui ont bénéficié d’une aide franco-allemande issue du traité signé
entre nos deux pays le 17 mai 2001.
La Foire du Livre de Francfort en est une autre preuve, en faisant de la
France son invitée d’honneur cette année, ce dont nous sommes très
honorés. Nous créerons avec «Frankfurt auf Französisch », tout au long
de l’année 2017, des temps de partage et d’échange autour de thèmes qui
nous sont chers : la langue et l’hospitalité, la jeunesse et
l’innovation et naturellement la relation culturelle franco-allemande.
Sur tous ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, mon gouvernement et
moi-même resteront totalement mobilisés, à vos côtés, pour faire de
chaque jour un jour utile à nos deux pays, à l’Europe, et à travers elle
au monde. C’est l’engagement que j’ai pris auprès du Président de la
République et que je prends auprès de vous, Mme la Chancelière,
aujourd’hui.
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu