Avant le Sommet de Rome du 25 mars, comment la partie française
conçoit-elle l’Europe à plusieurs vitesses ? Cette vision concernera
l’U.E. seulement ou bien la zone euro également ? La proposition commune
des six pays fondateurs de la CEE sera-t-elle une initiative bilatérale
franco-allemande ? Sera-t-elle une esquisse de perspectives ou bien un
plan avec un horizon concret ?
Je veux d’abord rappeler que l’Union européenne s’est construite pour
que ses Etats membres soient plus forts ensemble que seuls. Cela peut
parfois passer par une intégration plus poussée des Etats qui le
souhaitent et c’est normal que ceux qui ont cette aspiration puissent le
faire, tout en laissant bien sûr la porte ouverte aux autres. C’est
d’ailleurs déjà le cas avec la monnaie unique et Schengen.
L’essentiel à mes yeux est de renforcer l’Europe, de démontrer son
efficacité pour les peuples, et de préserver son unité. Cela va bien
au-delà de la vitesse à laquelle chacun souhaite avancer. Le sommet de
Rome permettra de préciser cela avec des propositions concrètes.
Aux yeux du gouvernement français, est-ce que la
coopération militaire constitue la priorité de la politique
d’approfondissement de l’Europe ? Est-ce que des préoccupations plus
anciennes comme une Union de l’euro, un Parlement de la zone euro, sont
toujours sur la table ? Est-ce que ces initiatives françaises sont
compatibles avec la proposition de M. Schäuble visant à enlever à la
Commission européenne la compétence de supervision de la mise en œuvre
du Pacte de stabilité et à la confier à un comité de technocrates ?
La coopération en matière de défense et de sécurité est en effet une des
priorités parce qu’elle répond à l’une des principales préoccupations
des citoyens européens : avoir une Union qui les protège. L’Europe n’a
donc pas le choix, elle doit se prendre en main dans ce domaine.
S’agissant de la zone euro, je veux rappeler que beaucoup a été fait, en
particulier pour renforcer sa résilience face aux crises. Je pense à la
création de l’Union bancaire qui permet de maîtriser la finance, aux
dispositifs de solidarité, comme le mécanisme européen de stabilité qui a
permis de maintenir l'unité et l'intégrité de la zone euro, mais aussi
au programme d’aide de 86 milliards mis en place à l’été 2015 pour la
Grèce.
Quant au pacte de stabilité et de croissance, la France a toujours
souhaité une interprétation intelligente des règles prenant en compte la
situation spécifique de chaque Etat. Il faut des règles mais rien ne
serait pire qu’une application aveugle de celles-ci. La Commission
Juncker l’a bien compris et cela mérite d’être salué.
Quel est votre avis sur la montée du populisme antisystème
et antieuropéen, qui provient surtout de l’extrême droite, dans une
série de pays européens, y compris la France ? Est-ce que l’édifice
européen est en danger ?
Soyons lucides : l’Europe n’est plus une évidence pour tous. On l’a vu
avec le Brexit et la montée des extrémismes. On le voit également dans
certains pays fondateurs de l’Union, comme la France, où des forces
politiques demandent la sortie de l’Union. Cette tendance est d’autant
plus inquiétante que nous nous trouvons dans une année électorale
décisive aux Pays-Bas, en Bulgarie, en France et en Allemagne.
Ces discours appellent une réponse claire : une sortie de l’Union serait
une catastrophe pour la France, pour son économie, sa prospérité et
pour sa place dans le monde. Affirmer que nous serions plus forts hors
de l’Union est un mensonge honteux !
Pour répondre à ces discours, il faut parvenir, à 27, à redonner
l’impulsion nécessaire pour que les Européens retrouvent confiance en
l’Europe. C’est l’enjeu du sommet de Rome et des efforts que nous
déployons depuis plusieurs mois pour alimenter la dynamique de la
construction européenne. Hier, j’ai accueilli, à Paris, une douzaine de
ministres européens du travail, dont la ministre grecque pour travailler
sur la définition d’un « socle européen des droits sociaux » et
proposer ainsi des mesures concrètes pour que l’intégration européenne
continue à être aussi synonyme de progrès social. C’est ce type
d’initiatives au service des citoyens européens qu’il faut multiplier
pour rebâtir la confiance dans l’Europe.
A en croire les sondages, le candidat du PS ne sera pas
présent au deuxième tour de l’élection présidentielle. A votre avis,
comment M. Hamon devrait-il équilibrer le bilan de l’œuvre
gouvernementale des cinq dernières années avec des propositions
reflétant les préoccupations de la société française ?
Permettez-moi d’abord d’être très prudent avec les sondages. Nous sommes
à un peu moins de deux mois du premier tour de l’élection
présidentielle et force est de constater que chaque jour, les choses qui
semblaient acquises la veille ne le sont plus forcément le lendemain.
J’ai rencontré Benoît Hamon à plusieurs reprises depuis qu’il est
candidat et je continue de le voir régulièrement. Je suis convaincu
qu’il faut mettre en avant le bilan du quinquennat, dont les
progressistes n’ont pas à rougir. Je pense au mariage pour tous, à
l’augmentation du nombre d’enseignants à l’école, à l’université et dans
la police ou encore aux mesures prises en matière de lutte contre le
terrorisme. Mais vous avez raison, il faut poursuivre ce travail et
peut-être aller encore plus loin. .Il faut lever une espérance et ne pas
la décevoir. Benoit Hamon accomplit ce travail, nous devons
l’accompagner pour réussir.
A votre avis, quelles sont les perspectives d’achèvement de
la deuxième revue du programme grec ? L’attente d’Athènes pour une
participation au programme d’assouplissement quantitatif de la BCE en
mars ou avril est-elle réaliste ?
Le gouvernement et le peuple grecs ont fait beaucoup d'efforts et de
sacrifices. Ces efforts étaient nécessaires pour redonner à la Grèce sa
compétitivité, un équilibre de ses finances publiques mais aussi pour
qu’elle regagne sa pleine souveraineté et son indépendance à l’égard des
marchés financiers.
L'Eurogroupe du 20 février a fixé un cadre politique pour permettre la
conclusion de la deuxième revue. La Grèce doit continuer à bénéficier du
3ème programme d'aide, notamment en vue des échéances de dette
importantes prévues à l'été. La France qui n’a cessé d’apporter son aide
à la Grèce continuera à le faire sans relâche parce qu’elle est
convaincue que la Grèce est sur le bon chemin. Les chiffres en matière
de croissance sont d’ailleurs encourageants. En venant en Grèce
aujourd’hui, c’est ce message de solidarité et d’amitié que je suis venu
porter au peuple grec et aux autorités de ce pays.
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